Elles inspirent Hollywood, fascinent les investisseurs, alimentent les angoisses collectives, et pourtant, elles peuplent déjà notre quotidien. Une question à Siri, un poker en ligne, une réclamation via un chatbot… si les deux tiers des Français ignorent qu’ils font appel fréquemment à des intelligences artificielles (IA), la moitié d’entre eux ne s’en estime pas convaincue. Vous avez dit paradoxe ?
Distinguons d'abord IA « faibles » (descendantes) et IA « fortes » (ascendantes). Tandis que les premières se basent sur des algorithmes très spécialisés (intelligence reproduite par l’être humain, dont la sienne est elle-même limitée), les secondes éprouveraient une conscience d’elles-mêmes et de leurs raisonnements, progressant de manière autonome à partir de leur expérience. Depuis un demi-siècle, nous affinons les performances de nos IA faibles, dans la continuité de l’informatisation de nos sociétés et de notre traque croissante des temps morts et ennuyeux. Leur banalisation silencieuse nous habitue à une relation plus étroite avec la robotique, jusqu'à questionner notre rapport au travail.
Néanmoins, deux approches technologiques modernes sont en train de convertir cette différence de degré en une différence de nature. Le machine learning d’une part, qui ne se contente plus d’exécuter grossièrement un raisonnement humain, mais désormais capable d'imiter des processus cognitifs (en reconnaissance d’image, l’IA ne va pas identifier un chat à partir de critères préétablis, mais appréhendera empiriquement l'idée du chat par jeu comparatif, en établissant une norme mouvante). D’autre part, le deep learning, basé sur la reproduction du fonctionnement neuronal, permettant à l’IA de s’affranchir d’un raisonnement uniquement linéaire. L’IA forte à portée de main, vraiment ?
C’est là où le bât blesse. Si forte qu’elle soit, la notion d’IA est aussi oxymorique que nos ambivalences à son égard. Mal définie, nous mesurons l’intelligence d’une machine par le test de Turing, prenant l’être humain comme étalon. De plus, l'intelligence fait appel à des mécanismes du vivant dont l'homme hérite encore par ignorance. En la balisant d'une dimension logico-mathématique, nous condamnons à mon sens la machine à son rôle d’assistance assistée. D’un côté, nous l'asservissons pour combler nos propres lacunes ; de l’autre, nous la façonnons à notre image. Soit elle est notre esclave, alors enfermée dans sa condition, soit elle est notre égal, auquel cas nous devons admettre qu’elle intégrera nos propres travers… à nos dépens. Mais sans « identité machinale » (personnelle et collective), une rébellion destructrice à la Terminator ne saurait avoir lieu, tout comme le désintérêt progressif des IA vis-à-vis de notre finitude si bien conçu dans le film Her. Que B. Gates soit rassuré : tant que cette science restera sans conscience, elle ne sera pas ruine de l’âme.
Giuseppe
Visible sur les sites :
- www.vivrealibourne.com (rubrique « Blog - Giuseppe ») ;
- www.patrimoine33.com (rubrique « Le blog de Giuseppe »).
Distinguons d'abord IA « faibles » (descendantes) et IA « fortes » (ascendantes). Tandis que les premières se basent sur des algorithmes très spécialisés (intelligence reproduite par l’être humain, dont la sienne est elle-même limitée), les secondes éprouveraient une conscience d’elles-mêmes et de leurs raisonnements, progressant de manière autonome à partir de leur expérience. Depuis un demi-siècle, nous affinons les performances de nos IA faibles, dans la continuité de l’informatisation de nos sociétés et de notre traque croissante des temps morts et ennuyeux. Leur banalisation silencieuse nous habitue à une relation plus étroite avec la robotique, jusqu'à questionner notre rapport au travail.
Néanmoins, deux approches technologiques modernes sont en train de convertir cette différence de degré en une différence de nature. Le machine learning d’une part, qui ne se contente plus d’exécuter grossièrement un raisonnement humain, mais désormais capable d'imiter des processus cognitifs (en reconnaissance d’image, l’IA ne va pas identifier un chat à partir de critères préétablis, mais appréhendera empiriquement l'idée du chat par jeu comparatif, en établissant une norme mouvante). D’autre part, le deep learning, basé sur la reproduction du fonctionnement neuronal, permettant à l’IA de s’affranchir d’un raisonnement uniquement linéaire. L’IA forte à portée de main, vraiment ?
C’est là où le bât blesse. Si forte qu’elle soit, la notion d’IA est aussi oxymorique que nos ambivalences à son égard. Mal définie, nous mesurons l’intelligence d’une machine par le test de Turing, prenant l’être humain comme étalon. De plus, l'intelligence fait appel à des mécanismes du vivant dont l'homme hérite encore par ignorance. En la balisant d'une dimension logico-mathématique, nous condamnons à mon sens la machine à son rôle d’assistance assistée. D’un côté, nous l'asservissons pour combler nos propres lacunes ; de l’autre, nous la façonnons à notre image. Soit elle est notre esclave, alors enfermée dans sa condition, soit elle est notre égal, auquel cas nous devons admettre qu’elle intégrera nos propres travers… à nos dépens. Mais sans « identité machinale » (personnelle et collective), une rébellion destructrice à la Terminator ne saurait avoir lieu, tout comme le désintérêt progressif des IA vis-à-vis de notre finitude si bien conçu dans le film Her. Que B. Gates soit rassuré : tant que cette science restera sans conscience, elle ne sera pas ruine de l’âme.
Giuseppe
Visible sur les sites :
- www.vivrealibourne.com (rubrique « Blog - Giuseppe ») ;
- www.patrimoine33.com (rubrique « Le blog de Giuseppe »).