Certaines stigmatisations sont plus tolérées que d’autres, selon l’époque et la société données. L’une d’entre elles est un mal profondément français, car liée aux racines de la construction de notre État : la glottophobie. Quésako ?
Le fait de mépriser, de haïr, de rejeter, voire d’agresser un être humain en fonction de certaines formes linguistiques (accent, grammaire, syntaxe, tics de langage, dialecte, langue…) est une discrimination à part entière qui, soulignons-le, est expressément interdite par la plupart des textes internationaux.
Au mieux invisible, au pire revendiquée, la glottophobie n’en est pas moins ravageuse, ses victimes étant souvent atteintes au plus profond de leur identité (pour ne pas dire intimité) vocale jusqu’à l’inhibition personnelle et l’exclusion collective. Elle peut émaner aussi bien d’administrations que de médias de masse, couverte par la complicité décomplexée des citoyens eux-mêmes. On a ainsi récemment pu assister à la raillerie générale à l’encontre de l’accent rural de J. Lassale (qui n’est pas sans rappeler les quolibets dont avait souffert É. Joly cinq ans auparavant), mais aussi aux frais de P. Poutou pour ses registres lexicaux et son débit oratoire.
L’arsenal législatif français est étonnamment complaisant entre, d’un côté, le silence de la loi antidiscriminations de 2001 sur ce sujet (pourtant complétée en 2006 et 2014) et, de l’autre, des lois clairement glottophobes telles que celles de 2005-2008 portant sur le séjour des étrangers en France. Par exemple, une « connaissance insuffisante de la langue française » fera obstacle à ce qu’une personne étrangère puisse rejoindre son ou sa conjoint·e en France, empêchant de facto certains enfants – souvent français – de vivre avec leur parent non considéré comme suffisamment francophone aux yeux de l’administration. Inadmissible au regard d’une directive européenne de 2003 prônant le droit au regroupement familial, ainsi qu’à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme garantissant le droit à la vie privée et familiale !
Mais glottophobie va de pair avec glottomanie : académiciens, puristes et médiacrates prennent soin de maintenir une hiérarchisation linguistique servant une hiérarchisation sociale. Écrivez Proust, parlez Molière et accentuez Paris ! Le cas échéant, vous vous destinez à la plouquerie, à la barbarie originelle et à l’inculture, votre crédibilité en ligne de mire.
En ces temps politiques troubles, il me semble fondamental de rappeler que l’unité peut exister dans la diversité. Accepter l’altérité, c’est d’abord accorder une légitimité à toutes les formes d’expression orale. Comprendre cette altérité, c’est ensuite consentir à faire un pas vers l’autre, à sortir de sa zone de confort auditive dans l’intérêt du dialogue et du partage. S’enrichir de cette altérité, c’est enfin s’intégrer au sein d’une société pacifiée, tolérante et hospitalière. Vaine utopie, dit-on ? Seulement pour les non-croyants… c’est-à-dire, au fond, nos opposants !
Giuseppe
Visible sur les sites :
- www.vivrealibourne.com (rubrique « Blog - Giuseppe ») ;
- www.patrimoine33.com (rubrique « Le blog de Giuseppe »).
Le fait de mépriser, de haïr, de rejeter, voire d’agresser un être humain en fonction de certaines formes linguistiques (accent, grammaire, syntaxe, tics de langage, dialecte, langue…) est une discrimination à part entière qui, soulignons-le, est expressément interdite par la plupart des textes internationaux.
Au mieux invisible, au pire revendiquée, la glottophobie n’en est pas moins ravageuse, ses victimes étant souvent atteintes au plus profond de leur identité (pour ne pas dire intimité) vocale jusqu’à l’inhibition personnelle et l’exclusion collective. Elle peut émaner aussi bien d’administrations que de médias de masse, couverte par la complicité décomplexée des citoyens eux-mêmes. On a ainsi récemment pu assister à la raillerie générale à l’encontre de l’accent rural de J. Lassale (qui n’est pas sans rappeler les quolibets dont avait souffert É. Joly cinq ans auparavant), mais aussi aux frais de P. Poutou pour ses registres lexicaux et son débit oratoire.
L’arsenal législatif français est étonnamment complaisant entre, d’un côté, le silence de la loi antidiscriminations de 2001 sur ce sujet (pourtant complétée en 2006 et 2014) et, de l’autre, des lois clairement glottophobes telles que celles de 2005-2008 portant sur le séjour des étrangers en France. Par exemple, une « connaissance insuffisante de la langue française » fera obstacle à ce qu’une personne étrangère puisse rejoindre son ou sa conjoint·e en France, empêchant de facto certains enfants – souvent français – de vivre avec leur parent non considéré comme suffisamment francophone aux yeux de l’administration. Inadmissible au regard d’une directive européenne de 2003 prônant le droit au regroupement familial, ainsi qu’à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme garantissant le droit à la vie privée et familiale !
Mais glottophobie va de pair avec glottomanie : académiciens, puristes et médiacrates prennent soin de maintenir une hiérarchisation linguistique servant une hiérarchisation sociale. Écrivez Proust, parlez Molière et accentuez Paris ! Le cas échéant, vous vous destinez à la plouquerie, à la barbarie originelle et à l’inculture, votre crédibilité en ligne de mire.
En ces temps politiques troubles, il me semble fondamental de rappeler que l’unité peut exister dans la diversité. Accepter l’altérité, c’est d’abord accorder une légitimité à toutes les formes d’expression orale. Comprendre cette altérité, c’est ensuite consentir à faire un pas vers l’autre, à sortir de sa zone de confort auditive dans l’intérêt du dialogue et du partage. S’enrichir de cette altérité, c’est enfin s’intégrer au sein d’une société pacifiée, tolérante et hospitalière. Vaine utopie, dit-on ? Seulement pour les non-croyants… c’est-à-dire, au fond, nos opposants !
Giuseppe
Visible sur les sites :
- www.vivrealibourne.com (rubrique « Blog - Giuseppe ») ;
- www.patrimoine33.com (rubrique « Le blog de Giuseppe »).