Elle nous imbibe, nous croyons la côtoyer de près, elle se lie aux citoyens d’amours haineuses. Entre surmédiatisation de l’image et coulisses chaotiques du processus décisionnel, la politique obsède autant en France qu’elle tient à distance.
Censée définir le cadre le plus souhaitable pour un collectif humain, elle se prétend en même temps issue de toutes ses individualités. La volonté générale la guiderait, bouclier interventionniste dans sa main gauche, glaive coercitif dans sa main droite. De telles missions messianiques devraient alors s’incarner au travers de personnalités hors du commun.
Mais quelle légitimité pour ces acteurs publics, à la fois représentants et décisionnaires ? La Constitution sclérosée du 4 octobre 1958 persiste et signe : coup droit, « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum » (article 3) ; revers, « tout mandat impératif est nul » (article 27). Par le biais de la démocratie dite « représentative », on observe dès lors un transfert du pouvoir dénoncé de J.-J. Rousseau (dénonçant l’« aristocratie élective ») à C. Castoriadis (révélant son visage moderne, l’« oligarchie libérale »), en passant par P.-J. Proudhon (et sa célèbre formule, « le délégué du souverain sera le maître du souverain ») : par un jeu conceptuel, on reprend de la main ce qu’on a donné au peuple de l’autre.
Transfert consenti, vraiment ? La validation sommaire d’un référendum il y a soixante ans – en plein contexte algérien – vaut-il ad vitam æternam ? La démocratie ne devrait-elle pas se « directiser », l’urgence de la modernisation n’est-elle pas moins celle du Code du travail que celle du mode de scrutin (vote par approbation, par note, par classement…) comme l’Australie a su franchir le pas il y a déjà un siècle ? Plus généralement, le temps n’est-il pas enfin venu de porter les aspirations constitutionnelles populaires via une assemblée constituante ?
Le gouvernement nous répond un non au carré : dernier exemple en date, les ordonnances portant atteinte à la représentation populaire et à la séparation des pouvoirs, « c’était dans le programme », ce même programme qu’É. Macron trouvait moins « au cœur » de la campagne que la « mystique », le « style » et la « magie » – excusez du peu ! – de la politique (1), ce même É. Macron élu pour « faire barrage au Front national » à hauteur de 43 % des électeurs selon l’Ipsos (2). Mais soit : élection vaudrait blanc-seing.
À un détail près : la légitimité ne se résume pas simplement à la légalité. Le droit est un garde-fou, il rend compatible les contradictions d’intérêts davantage qu’il ne transforme en or tout ce qu’il tranche. Une légitimité qui se réfugierait uniquement derrière les rouages légaux ne l’est déjà plus. Être légitime relève au contraire de l’évidence : c’est d’abord se faire accepter, par son parcours, ses valeurs ou sa capacité à fédérer. Or, M. Macron, le doute est légitime concernant votre passé opaque chez Rothschild, vos principes républicains à géométrie variable et votre rassemblement politique de façade.
« La force de ceux qui gouvernent n’est réellement que la faiblesse de ceux qui se laissent gouverner », susurrait P. Raynal. Attendrons-nous 2022 pour résister à l’ivresse jupitérienne, au risque d’y voir s’y substituer un front plutonien ?
(1) « Pour Macron, le programme n’est "pas le cœur de la campagne" », Le Figaro.fr, 12 février 2017 [en ligne], http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2017/02/12/97001-20170212FILWWW00081-pour-macron-le-programme-n-est-pas-le-coeur-de-la-campagne.php [consultée le 2 août 2017].
(2) Bardo A., « Sondage : 43 % des électeurs de Macron ont voté en opposition à Le Pen », Public Sénat.fr, 7 mai 2017 [en ligne], https://www.publicsenat.fr/article/politique/sondage-43-des-electeurs-de-macron-ont-vote-en-opposition-a-le-pen-60193 [consultée le 2 août 2017].
Giuseppe
Visible sur les sites :
- www.vivrealibourne.com (rubrique « Blog - Giuseppe ») ;
- www.patrimoine33.com (rubrique « Le blog de Giuseppe »).
Censée définir le cadre le plus souhaitable pour un collectif humain, elle se prétend en même temps issue de toutes ses individualités. La volonté générale la guiderait, bouclier interventionniste dans sa main gauche, glaive coercitif dans sa main droite. De telles missions messianiques devraient alors s’incarner au travers de personnalités hors du commun.
Mais quelle légitimité pour ces acteurs publics, à la fois représentants et décisionnaires ? La Constitution sclérosée du 4 octobre 1958 persiste et signe : coup droit, « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum » (article 3) ; revers, « tout mandat impératif est nul » (article 27). Par le biais de la démocratie dite « représentative », on observe dès lors un transfert du pouvoir dénoncé de J.-J. Rousseau (dénonçant l’« aristocratie élective ») à C. Castoriadis (révélant son visage moderne, l’« oligarchie libérale »), en passant par P.-J. Proudhon (et sa célèbre formule, « le délégué du souverain sera le maître du souverain ») : par un jeu conceptuel, on reprend de la main ce qu’on a donné au peuple de l’autre.
Transfert consenti, vraiment ? La validation sommaire d’un référendum il y a soixante ans – en plein contexte algérien – vaut-il ad vitam æternam ? La démocratie ne devrait-elle pas se « directiser », l’urgence de la modernisation n’est-elle pas moins celle du Code du travail que celle du mode de scrutin (vote par approbation, par note, par classement…) comme l’Australie a su franchir le pas il y a déjà un siècle ? Plus généralement, le temps n’est-il pas enfin venu de porter les aspirations constitutionnelles populaires via une assemblée constituante ?
Le gouvernement nous répond un non au carré : dernier exemple en date, les ordonnances portant atteinte à la représentation populaire et à la séparation des pouvoirs, « c’était dans le programme », ce même programme qu’É. Macron trouvait moins « au cœur » de la campagne que la « mystique », le « style » et la « magie » – excusez du peu ! – de la politique (1), ce même É. Macron élu pour « faire barrage au Front national » à hauteur de 43 % des électeurs selon l’Ipsos (2). Mais soit : élection vaudrait blanc-seing.
À un détail près : la légitimité ne se résume pas simplement à la légalité. Le droit est un garde-fou, il rend compatible les contradictions d’intérêts davantage qu’il ne transforme en or tout ce qu’il tranche. Une légitimité qui se réfugierait uniquement derrière les rouages légaux ne l’est déjà plus. Être légitime relève au contraire de l’évidence : c’est d’abord se faire accepter, par son parcours, ses valeurs ou sa capacité à fédérer. Or, M. Macron, le doute est légitime concernant votre passé opaque chez Rothschild, vos principes républicains à géométrie variable et votre rassemblement politique de façade.
« La force de ceux qui gouvernent n’est réellement que la faiblesse de ceux qui se laissent gouverner », susurrait P. Raynal. Attendrons-nous 2022 pour résister à l’ivresse jupitérienne, au risque d’y voir s’y substituer un front plutonien ?
(1) « Pour Macron, le programme n’est "pas le cœur de la campagne" », Le Figaro.fr, 12 février 2017 [en ligne], http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2017/02/12/97001-20170212FILWWW00081-pour-macron-le-programme-n-est-pas-le-coeur-de-la-campagne.php [consultée le 2 août 2017].
(2) Bardo A., « Sondage : 43 % des électeurs de Macron ont voté en opposition à Le Pen », Public Sénat.fr, 7 mai 2017 [en ligne], https://www.publicsenat.fr/article/politique/sondage-43-des-electeurs-de-macron-ont-vote-en-opposition-a-le-pen-60193 [consultée le 2 août 2017].
Giuseppe
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- www.patrimoine33.com (rubrique « Le blog de Giuseppe »).